"Quod vitae sectabor iter?”
(Houellebecq, « La possibilité d’une île ») Je n’ai pas de réponse.
L’instant est, peut-être, plus sage que moi car il connaît la réponse à la
question qui bourdonne dans mon esprit. « Quelle route suivrai-je dans la
vie?» La route d’un monde possible, certainement.
Qu’est-ce que c’est qu’un monde
possible? De diverses représentations incertaines, voilà une réponse
potentielle. Je me suis souvent posé la question si Dieu a eu le choix entre
plusieurs mondes à créer. Peut-être, a-t-il essayé plusieurs modèles de
mondes jusqu’à ce qu’il fût arrivé à ce type de monde humain et terrestre. On
a, par exemple, Jupiter, Mars, Neptune, Pluton, toutes ces planètes qui, à mon
avis, sont les échecs de multiples tentatives de création. Est-ce qu’on
est sûr que ce monde est le succès recherché ou le dernier essai ? Nous
sommes, peut-être, la mascotte d’un Dieu capricieux qui s’amuse à créer des
mondes possibles, qu’ils soient fertiles comme la Terre ou glacés comme Mars ou
brûlants comme le Soleil.
Toujours
en parlant de la divinité, le Paradis ou l’Enfer sont pour nous des mondes
possibles. En dehors de la Bible, on n’a pas de preuves sur leur existence,
donc, c’est le principe du possible qui intervient. C’est comme dans une
montagne russe. On y croit lorsqu’on est en haut, lorsque la montagne russe
nous donne l’impression qu’on a des ailes et on n’y croit pas lorsqu’on
descend. Les mondes possibles misent justement sur l’ambiguïté des
représentations qu’on leur donne. C’est comme dans un berceau lorsqu’on
sommeille et des fantasmes sans corps et sans réalité viennent habiter notre
rêve. On ne dort pas; de temps en temps, un petit bruit nous fait entrouvrir un
œil qu’on veut fermer. On est conscient et on est ivre, à la fois. Les
fantasmes, nous pensons qu’ils sont réels, autour de nous, mais non, ils
appartiennent à un monde possible. Qui sait lequel ? Peut-être, Dieu ne le
sait non plus.
Un jour
lorsque j’étais en train de prendre le métro une petite noiraude est venue vers
moi en insistant de me dire la bonne aventure. Je ne suis pas la seule victime
de ces Bohémiennes magiciennes, mais est-ce que quelqu’un a jamais pensé que la
fille Tzigane faisait (qui sait?) l’un des métiers de Dieu, c’est-à-dire,
inventer des mondes possibles? La question qui reste en suspens est la
suivante : est-ce que ces mondes possibles sont réels dans leur essence ou
sont seulement des pensées sur l’inconnu? Ils doivent exister en quelque sorte
et, peut-être, ils se trouvent accumulés dans un univers du possible. Pourtant,
même s’ils existent, cela ne veut pas dire qu’ils sont réels puisqu’on peut
avoir des milliers des mondes possibles, mais un seul monde réel, actuel.
« Ce monde actuel mange les autres en les réduisant à sa propre
substance au fur et à mesure que de différentes possibilités il ne reste qu’une
seule actualité. On peut dire que le présent est une machine qui réduit le
bouillonnement ontologique de l’avenir à l’édifice ontologique pétrifié (mais
non moins mystérieux) du passé ». Il nous reste à découvrir encore si les
possibilités se laissent englouties spontanément par le monde réel ou si
l’avenir porte une guerre profonde contre le présent depuis toujours, même si
son destin est de ne jamais vaincre devant le happening. Le hasard fait que ce soit notre monde qui est le vrai
parce qu’il a des habitants et les habitants ont une conscience et leur
conscience établit certaines lois et selon ces lois, le réel : c’est notre
monde. De toute façon, c’est à travers la conscience humaine qu’on détermine
une certaine existence des mondes possibles, car même si ces mondes possibles
avaient une conscience propre, cette conscience devrait être bien compacte et
intime puisqu’elle ne se laisse pas découverte. En plus, d’habitude, nous, les
êtres humains, avons la tendance de considérer quelque chose comme étant réelle
ou présente par une sorte de pesanteur qu’on lui donne, de matérialité
flagrante, or les mondes possibles sont dépourvus de toute sorte de substance
matérielle. Ou bien, la substance qui les compose est d’une nature trop
complexe, diaphane ou spirituelle pour que la raison humaine puisse la
déterminer.
Je n’ai
pas accepté l’offre tentante de la Tzigane (non sans un certain remords) à
cause d’une éducation trop chrétienne, mais je me suis mise à imaginer ce
qu’elle aurait pu me dire. J’ai volé inconsciemment son métier, car j’ai
commencé à rêver des mondes possibles qui auraient pu correspondre aux mondes
possibles qu’elle avait l’intention d’imaginer pour moi. Si j’avais accepté son
invitation, alors le monde réel se serait converti dans un monde possible ou
c’est l’un des mondes possibles qui se
serait transformé dans le monde réel. Il se passe bien souvent qu’il nous
arrive ce à quoi on pense involontairement, car les mondes possibles semblent
avoir trouvé abri dans notre sous-conscient.
On a
toujours essayé de représenter les mondes possibles qu’on imaginait comme la
possibilité d’une retraite de ce
monde trop tumultueux. Les mystiques ont essayé même la retraite dans le monde concret afin de pouvoir
déchiffrer quels sont les mondes possibles qui lui servent des colonnes tel que
les colonnes de pierre butent les temples grecs. Les mystiques anciens ont eu
la prière, les modernes ont inventé les beaux-arts. Ces arts ont été créés
justement pour avoir la chance de représenter les autres mondes, car celui-ci
ne nous suffit pas. Dès la période de l’Antiquité on a eu les prophètes et
leurs oracles qui, dans leur essence, étaient plutôt des artistes ou des
astrologues des mondes possibles. Puis, on a continué avec les mythes du Moyen
Âge qui pour mes contemporains ne sont rien de plus que des mondes possibles
appartenant à une existence pluridimensionnelle. Les transverbérations
baroques, la bienséance du réalisme, la mélancolie du romantisme ou l’homme
moderne « fou de raison » ne sont que les métamorphoses d’un monde en
changement qui continue toujours à actualiser l’un des mondes possibles qui
palpitent à l’horizon en attendant. La cinématographie a beaucoup de succès
avec les représentations de ces mondes possibles. « Star Trek » a
fait l’histoire en représentant un monde possible de l’avenir qui pourrait devenir
un jour aussi réel que le président Obama l’est, pendant cette année 2009, pour
les Américains. La peinture et la musique (moins pour ce qui est de la musique)
sont aussi des instruments de représentation, mais leur substance est plus
abstraite et seulement les élus peuvent écouter et voir dans l’onde sonore et
dans la couleur le contour de divers mondes possibles. Par contre, l’art de la
lecture est le plus fascinant de ce point de vue, car il cache dans son coffre
autant de mondes possibles que de lecteurs. La lecture est un monde possible où
la continuation de la mélodie est différente, où « le chanteur rate le si
bémol et fait un couac ». C’est comme les bulles de l’eau minérale. La lecture est susceptible d’être le seul art
qui garde encore la grâce d’un art divin car les représentations des mondes
possibles qu’on trouve dans les livres deviennent parfois de véritables
hypothèses sur la réalité.
Le monde possible : de la fiction pure? La critique
contemporaine a parfois rapproché la notion de fiction de celle de « monde
possible ». Cette conception selon laquelle le monde possible est le
résultat de la fiction a été adoptée d’abord par les logiciens, à partir du
rêve de Théodore, prêtre de Delphes, dans la IIIème partie de la Théodicée
de Leibniz : les mondes possibles sont les chambres-bibliothèques d’une
pyramide infinie qui contient toutes les versions et variantes possibles, par
exemple, de la vie de Sextus Tarquinius s’il avait choisi d’écouter le conseil
de Jupiter de renoncer au trône. Au sommet de la pyramide se trouve le plus
beau des mondes, le meilleur des mondes possibles, le monde tel qu’il est. A
partir de cet exemple, on peut retenir comme définition minimale du
« monde possible », celle « d’alternative concevable au monde
réel » (Thomas Pavel). Comme les visiteurs de la pyramide de Théodore
peuvent pénétrer dans chacune des pièces représentant une variante possible de
la vie de Sextus Tarquinius, de même, le lecteur, ou le spectateur, durant la
durée de la lecture ou du spectacle, est placé à l’intérieur du monde
fictionnel et le tient pour vrai, exactement comme un enfant, durant le jeu,
décide de croire que ses poupées sont des cow-boys et des Indiens ou que les
pâtés de sable sont des tartes aux fraises. Ainsi, les mêmes théoriciens ont
souligné l’analogie entre l’univers de la fiction et celui du jeu, rapprochés
au moyen du concept de « jeu de faire-semblant » (« make-believe
games »), supposant une certaine attitude mentale, une adhésion
provisoire, une disponibilité à être séduit, que Jean-Marie Schaeffer qualifie
de « suspension volontaire d’incrédulité ».
Un livre
ressemble beaucoup au temps présent car les deux sont des mondes possibles qui
ont gagné l’écorce du réel avant d’autres mondes possibles. En échange, les
sujets du livre ressemblent à l’avenir car les deux sont une infinité des
mondes possibles qui n’ont pas été ou ne seront jamais actualisés. L’avenir et
l’artiste sont des créateurs des mondes possibles d’où on choisit toujours la
variante la plus sage pour la transformer dans un fragment de vie réelle. On
dit que l’artiste est le rival de Dieu car il crée son propre monde, il est
Dieu « dans son sous-sol ». Le monde de l’artiste n’est, en fait,
qu’un monde possible, un monde parallèle au monde de la cruelle vérité. Mais
les possibilités peuvent être aussi horriblement cruelles parfois et, à la
suite de cette pensée, on arrive à ce que Leibniz disait : notre monde est
la meilleure possibilité d’existence parce que on y trouve l’espoir. Les
trajectoires des mondes possibles sont équivalentes aux trajectoires de
plusieurs destins. Les fées qui président à la naissance d’un enfant
choisissent à sa place la voie à suivre même avant que ses yeux voient la
lumière. Ce n’est pas très juste, car, à mon avis, chacun devrait avoir une
chance de choisir le circuit de sa vie. Ces fées n’ont pas le droit de choisir
à ma place ce que ma vie pourrait être. Ce serait assez si elles pouvaient me
présenter le menu des mondes possibles pour que je puisse décider librement.
Choisir le Bien ou le Mal, cela entraîne toujours l’actualisation d’un monde
possible qui s’offre à mon choix.
On a
parlé pendant une époque entière d’un nouveau roman, d’un nouveau-nouveau roman
et on a glorifié la raison d’un auteur supra-sage. A présent on essaye
d’inculquer dans l’univers de la lecture une nouvelle éducation pour le lecteur
sauvage postmoderne ou peut-être, supra-moderne. Il est sauvage parce qu’il
veut se débarasser de toute son armure culturelle avant même de commencer la
lecture. Il est un lecteur qui se veut honnête, vulnérable, criminel et
innocent, à la fois. Si le temps des écrivains-génies est passé, maintenant
c’est le temps des lecteurs-génies qui peuvent facilement saisir les mondes
possibles qui se cachent dans le livre. Le lecteur moderne est possedé par le
démon de la sensation et de la connaissance. S’il n’est pas content de la vie
qui lui a été donnée, il cherche parmi les mondes possibles jusqu’à ce qu’il
trouve le monde où son esprit se sent à l’aise. Il est un héros qui n’a pas
peur de dire ”J’aime” ou „Je hais”, il s’en foue de ce que ses jugements sont
faux pour les autres, car il a sa vérité à lui. La lecture pour lui est un acte
intime. La découverte des mondes possibles, un jeu. De nos jours, il nous reste
peu de lecteurs, mais ceux qui restent sont invités à oublier les préjugés et
les servitudes de l’exercice académique pour s’aventurer dans une expérience
fascinante: la liberté de la conscience.
Le
lecteur n’est pas un philosophe, n’est pas un homme de lettres, ni un
anticaire, ni un piocheur sedentaire qui fouille parmi les livres pour
découvrir un grain de vérité, la vérité qui n’est pas de lui, mais d’un autre.
Le vrai lecteur est un explorateur des mondes possibles, de leurs dimensions
temporelles et spatiales. Il sait introduire le livre dans la vie et lire la
vie dans le livre. Il est dominé par une curiosité particulière, ce qui fait de
lui un „open-minded”. Pour lui la lecture est plutôt un exercice, un
entraînement de l’esprit qu’une étude entre les quatre murs d’une bibliothèque.
Il „lecture” comme il respire. C’est naturel et sauvage tel qu’un orage pendant
l’été. La lecture est free; on ne
paie pas pour la faire, personne ne vous y oblige. Elle n’a pas de but, n’a pas
d’autres principes que les principes qu’on lui donne. La lecture est totalement
désintéressée et primordialement intéressante. Chaque livre est
un monde possible enfanté par l’imagination d’un auteur, par la folie d’un
artiste, par la sagesse d’un mathématicien. On a, parfois, l’impression que les
analystes politiques ou les chroniqueurs sont les voix de la vérité de ce monde
actuel, mais on se trompe puisque leurs chroniques ne sont rien d’autre que des
hypothèses, des visions qui expriment des vérités existantes au niveau des mondes possibles.
On mise
sur la jeunesse de l’esprit, sur l’élasticité de la raison poussée par la
curiosité et sur la „disponibilité absolue” de celui qui entre dans une
bibliothèque ou dans une librairie. La lecture est comme une pièce de théâtre.
Elle ne peut pas être savourée tout le temps. Virginia Woolf imagine une
lecture efficace et bien plaisante, une lecture par genres littéraires et selon
les états d’esprit du lecteur. „Après avoir parcouru un roman, la poésie offre
à la raison des oasis de repos et sensibilité; après une expérience imaginaire,
la raison resent le besoin de se réfugier dans le concret des vies vraies
racontées par des historiens, des biographes, etc.” La lecture ne s’arrête pas
là où l’histoire finit, mais elle continue dans le tréfonds du lecteur. Les
livres ont besoin de cette macération intellectuelle qui a lieu dans la tête et
dans l’esprit du lecteur. Sans la subjectivité du lecteur, sans la fragilité
éphémère de ses réactions, sans une infinite contextualisation, les oeuvres
perdent leur immortalité. Un livre est sans cesse réécrit et repensé par la
lecture. Un livre a du pouls, il est vivant non pas lorsqu’il est lu, mais
lorsqu’il est „lecturé”. „Voilà pourquoi l’artiste authentique doit être avant
tout un lecteur passionné”.
Une
question importante pour la lecture est l’ambiance. Que ce soit dans la chambre
à coucher, dans la bibliothèque ou dans le parc, la lecture n’est pas possible
sans une ambience spirituelle accompagnée par l’envie de lire. La fenêtre,
d’habitude, est l’endroit où le livre se veut lu parce que la fenêtre est la
porte vers un monde possible, fantastique et mystérieux. Le lecteur devient
ainsi une double fenêtre tel que Virginia Woolf nous le suggère: une fenêtre
qui s’ouvre vers le monde fascinant du livre –le monde possible - et l’autre
qui donne vers la réalité d’un jardin, d’une fontaine, d’un ciel bleue ou
nuageux. Lire devant le miroir c’est encore plus spectaculaire car le monde
possible devient une chaîne des photos qui se déroulent sous les regards du
lecteur. Les mondes possibles sont comme un journal secret, ils ont besoin
d’intimité pour pouvoir s’offrir à la révélation de celui qui les invoque. Fuir
le bruit c’est primordial, car il est un ennemi de la lecture et du monde
possible tout aussi bien que la présence étrangère. Toute au contraire, la
lecture aime le calme, le silence sage mais aussi la nature, surtout l’hiver et
son feu.
Une
bonne lecture est l’équivalent d’une bain dans la mer. On doit plonger
dans le monde possible qu’on lit de la
même manière dont on se jetterait dans la mer après une marche dans le désert.
On doit savourer chaque découverte de la même façon qu’un sauvage mange de la
viande crue après une semaine de faim. Et avec chaque mot lu on doit construire
soit la coupe d’une vérité, soit la flèche d’une histoire d’amour, soit le
temple d’une religion. Vérité, amour, religion- toutes ayant la nature d’un
monde possible. L’auteur ne donne qu’un schéma du monde possible, c’est le
lecteur qui travaille vraiment à lui donner du sens. En fait, on a affaire à
une sorte de complicité entre le lecteur et l’auteur. Le lecteur doit être
l’ami de l’auteur plutôt que son ennemi, doit essayer tout d’abord de voir par
les yeux de l’auteur pour réussir à développer son regard et son point de vue.
La critique ne doit pas survenir avant la fin de la lecture. Si on est réservé
dès le début on risque de tout compromettre. On doit toujours ouvrir les bras
devant la grandeur de l’horizon. A tout cela on ajoute une citation vraiment
inspirée de Proust qui voit dans le lecteur une continuation de l’auteur et
dans la fin du livre le commencement de la lecture: « Nous sentons très bien que notre sagesse
commence où celle de l’auteur finit, et nous voudrions qu’il nous donnât des
réponses, quand tout ce qu’il peut faire est de nous donner des désirs. Et ces
désirs, il ne peut les éveiller en nous qu’en nous faisant contempler la beauté
suprême à laquelle le dernier effort de son art lui a permis d’atteindre. Mais
par une loi singulière et d’ailleurs providentielle de l’optique des esprits
(loi qui signifie peut-être que nous ne pouvons recevoir la vérité de personne,
et que nous devons la créer nous-mêmes), ce qui est le terme de leur sagesse ne
nous apparaît que comme le commencement de la nôtre, de sorte que c’est au
moment où ils nous ont dit tout ce qu’ils pouvaient nous dire qu’ils font
naître en nous le sentiment qu’ils ne nous ont encore rien dit. »
On a présenté jusqu’ici seulement le côté positif de la lecture, mais il
est nécessaire de savoir qu’elle n’est pas dépourvue de dangers pour le lecteur
justement à cause des mondes possibles qu’elle renferme. Elle est une jungle et
le plus grand péril c’est l’égarement comme dans un labyrinthe. Attention pour
les lecteurs ingénus! Ils risquent de rester suspendus dans cet univers
cosmique. Dans le laboratoire de la lecture on entre, mais on doit également
sortir, sinon la vie du lecteur sera usurpée par des vies imaginaires. Il
devient dangereux quand, au lieu de nous éveiller à la vie personnelle de
l’esprit, la lecture tend à se substituer à elle. Don Quichotte est un tel
exemple. La figure de Don Quichotte,
qui hante un grand nombre de mascarades, de tournois, de ballets, est un indice
de la proximité entre le jeu et la notion de fiction; il participe également de
la perception, nouvelle, de celle-ci comme un monde qui exerce une tentation
mimétique si forte qu’elle fait courir au lecteur, ou au spectateur, le risque
d’une immersion sans retour. On ne doit pas exagérer avec
la lecture jusqu’à la perte de la lucidité. Une grande quantité de monde
possible mène à la folie. De plus, c’est impératif de ne pas oublier que la
lecture n’est pas une activité passive. Pour une lecture saine, on doit mettre
en pratique ce qu’on appelle « active reading » qui a
une grande influence sur la mobilité intellectuelle du lecteur. La raison se
transforme dans une sorte de petit moteur qui se pose des questions et cherche
les réponses tout seul. La lecture est initiatrice, elle a la clé pour le
coffre du monde et la clé qui ouvre la porte vers notre île intérieure. On peut
frapper jour et nuit à cette porte jusqu’à ce que les mains saigneront puisque
sans la clé de la lecture tout est en vain. Car on mange pour survivre, on
pense pour être un homme et on lecture pour être plus proche des dieux.
« Et à la fin du monde lorsque les lecteurs vont se présenter devant
le Tout Puissant, Celui-ci va regarder Saint Pierre et dira, non sans une
certaine envie, en les voyant les livres sur les bras: « Voilà, ceux-ci
n’ont besoin d’aucune récompense. Ici on ne trouve rien à leur donner. Ils ont
aimé la lecture. » (Virginia Woolf)